Trois méthodes de financement novatrices pour instaurer des mesures de lutte contre les changements climatiques
Dans la lutte contre les changements climatiques, les municipalités ont un rôle important à jouer, car elles contrôlent ou influencent plus de la moitié environ de tous les gaz à effet de serre (GES) au Canada (1). Par la mise en œuvre de stratégies et de mesures d’atténuation et d’adaptation sur leur territoire, les municipalités engendrent en outre des avantages directs tels que la réduction des coûts en énergie, la prévention des dommages aux infrastructures et l’amélioration de la qualité de vie des citoyen.ne.s. Cependant, elles se retrouvent souvent limitées par leur modèle de financement, reposant à 70% sur l’impôt foncier (2), et les mécanismes de financement traditionnels comme les programmes gouvernementaux, qui obligent les villes à soumettre des demandes, puis à attendre l’approbation des autorités gouvernementales avant que les projets puissent être réalisés (3).
Des méthodes de financement novatrices existent et permettent de financer l’élaboration et la mise en œuvre d’initiatives de lutte contre les changements climatiques. En voici trois exemples, mis en place par des municipalités d’ici.
Méthode de financement 1 :
Créer un fonds pour des projets environnementaux à l’aide d’une tarification sur la création de nouveaux terrains
C’est ce qu’a fait la Ville de Laval avec son programme de compensation des émissions de gaz à effet de serre, dont l’objectif est de réduire les émissions de GES liées au développement du territoire lavallois en finançant des initiatives de réduction. Concrètement, la Ville – en vertu des pouvoirs octroyés par la Loi sur les compétences municipales (art. 4 et 19) et la Loi sur la fiscalité municipale (art. 244.2 et 244.3) – a mis en place un nouveau règlement lui permettant d’imposer une tarification GES spécifique aux promoteurs immobiliers (4). La taxe, au taux de 0,54$/m2, est appliquée au moment où les promoteurs font une demande de permis de branchement au réseau d’aqueduc de la Ville.
Depuis sa mise en place en 2011, le programme a permis de cumuler une somme totale de 1,77M$ pour financer les initiatives suivantes.
– Service de collecte porte-à-porte des appareils réfrigérants en fin de vie;
– Subvention citoyenne pour la conversion de système de chauffage résidentiel au mazout vers un système à énergies renouvelables;
– Subvention citoyenne pour l’achat d’un véhicule entièrement électrique;
– Subvention citoyenne pour l’achat d’un vélo à assistance électrique.
La Ville de Laval estime que ces mesures permettront de réduire d’environ 3 650 t éq. CO2 par année les GES émis sur son territoire.
Méthode de financement 2 :
Réaliser des rénovations éco-énergétiques à l’aide d’un financement novateur
Vous souhaitez faciliter la rénovation écoénergétique résidentielle et commerciale sur le territoire de votre municipalité? Le financement innovant, un concept élaboré par l’Association québécoise pour la maîtrise de l’énergie (AQME), possède un fonctionnement simple. Un propriétaire d’un bâtiment obtient un prêt de sa municipalité pour réaliser des travaux écoénergétiques qu’il rembourse ensuite à même la taxe foncière grâce, en partie ou en totalité, aux économies d’énergie générées. L’accès au capital est ainsi simplifié et le financement est lié à l’impôt foncier, le distinguant ainsi des outils financiers traditionnels.
En plein essor aux États-Unis (programme PACE), ce concept a été expérimenté au Québec lors d’un projet pilote réalisé dans les municipalités pionnières de Plessisville, Varennes et Verchères, entre 2016 et 2018. En tout, 24 projets de rénovation écoénergétique résidentielle ont été réalisés, générant en moyenne des économies d’énergie de 28% et l’évitement de 23 250 kg éq. CO2 de GES par projet, en plus d’autres bénéfices tels que l’amélioration du cadre bâti sur le territoire de la municipalité, l’augmentation de la valeur foncière des propriétés et le développement de l’économie locale. Comme il s’agit d’un prêt, la municipalité ne subit pas de pression financière et le citoyen bénéficie d’un accès à un financement à faible taux d’intérêt, rattaché à la propriété. Tout le monde est gagnant !
Vous souhaitez vous inspirer d’exemples de réussite? Consulter l’initiative de la Ville de Plessisville sur la plateforme PhareClimat.
Au moment d'écrire ces lignes, un programme de financement pour ce genre d'initiative était actuellement en vigueur via le Fonds municipal vert de la Fédération canadienne des municipalités (FCM). Pour davantage d'information, consultez le site du Fonds municipal vert.
Méthode de financement 3 :
Développer des projets communautaires pour optimiser les retombées financières
Les projets communautaires d’énergie renouvelable, dont les promoteurs sont des municipalités et leurs organismes de développement, constituent des opportunités d’optimiser les retombées financières dans les collectivités et ainsi permettre le financement d’initiatives de lutte contre les changements climatiques. La MRC de Rivière-du-Loup, par exemple, retire chaque année des bénéfices de son investissement dans le projet du Parc éolien communautaire Viger-Denonville, réalisé en partenariat avec Innergex.
Avec ses douze éoliennes d’une puissance installée totale de 24,6 MW, le parc éolien comble l’équivalent des besoins en électricité de 4300 résidences québécoises, réduisant ainsi les émissions de GES provenant de la production d’énergie associée. De plus, les retombées du projet dans le milieu local sont multiples. En cinq ans, le projet a rapporté 9M$ aux communautés d’accueil, et un peu plus d’un million pour des projets structurants sur le territoire (5), en plus de contribuer au développement de l’économie locale et à la création d’emplois. Pour les 20 ans d’exploitation du parc éolien, un revenu total de l’ordre de 22 millions de dollars sera partagé entre les municipalités de la MRC de Rivière-du-Loup qui participent au projet, en plus des 123 000 $ par année partagés également entre la MRC et les municipalités hôtes du projet, soit St-Paul-de-la-Croix et St-Épiphane (6). Des revenus qui continueront d’être investis dans les communautés et qui permettront de mettre en place plus de projets locaux de lutte contre les changements climatiques.
Des opportunités à saisir
En plus des trois exemples présentés, d’autres outils existent pour faciliter la mise en œuvre d’actions climatiques municipales : achats groupés, fonds renouvelables verts, obligations vertes… autant d'outils de financement qui méritent d’être étudiés et expérimentés davantage. C’est ce que souhaite encourager la FCM en publiant le guide Parlons d’argent : Outils de financement pour l’action climatique locale. Ce guide aborde différentes méthodes innovantes permettant aux municipalités d’augmenter la présence de systèmes d’énergie renouvelable sur leur territoire, d’assurer la transition vers une mobilité urbaine à bas carbone, de réduire considérablement la consommation d’énergie et les émissions de GES des bâtiments, et bien plus encore.
Références :
1. Fédération canadienne des municipalités. 2018. Partenaires dans la protection du climat – Rapport national sur les mesures 2018 : La lutte contre les changements climatiques des villes et des collectivités canadiennes, Ottawa.
2. Union des municipalités du Québec. «Fiscalité et finances» [consulté le 12 avril 2019].
3. Curry, Bill. 2018. «Cities seek permanent transit transfer ahead of 2019 budget». The Globe and Mail [consulté le 12 avril 2019].
4. Dessureaul, I. 2018. «Compensation des gaz à effet de serre : une vision holistique pour du financement novateur à Laval!». Vecteur Environnement, Volume 51, no 4, p. 30-31.
5. Radio-Canada. 2018. «Le parc éolien Viger-Denonville fête ses cinq ans». Radio-Canada [consulté le 25 avril 2019].
6. Parc éolien Viger-Denonville. 2018. «Retombées» [consulté le 25 avril 2019].
Charles Leclerc, Coordonnateur : Secteur Air, Changements climatiques et Énergie
Site web : http://www.reseau-environnement.com/
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